Les histoires de Grand Petit Père

Le Chaudron des sorciers

Premier chapitre :

Grand Petit Père revient de la Forêt

Grand Petit Père était rentré tout guilleret de sa cueillette de champignons. Tous les enfants qui l’accueillent à chaque retour de ses promenades s’attendent à le voir sortir de son immense panier des champignons de toutes les couleurs et de toutes les tailles, des fleurs ou des animaux de la forêt. À leur grande surprise, il n’y a dans son panier d’osier que sa gourde et son petit pot de beurre qu’il emmène avec lui pour son casse croûte.

Les enfants portent alors le regard sur le visage de Grand Petit Père , qui paraît rayonner de bonheur, tandis qu’il sifflote.

Dès ce moment, les enfants sont certains qu’ils vont apprendre une superbe histoire, et en moins de temps qu’il ne faut de le dire, ils sont tous assis en rond autour de lui.
-  ‘‘Dis-nous, dis-nous !’’ Crient-t-ils tous ensemble en tapant dans leurs mains.
Grand Petit Père fait la sourde oreille, comme si la demande n’était pas suffisante.

Et les enfants recommencent à crier : ‘‘dis-nous, dis-nous ! Dis-nous, dis-nous !’’. Et ils tapent dans leurs mains et en même temps tapent des pieds par terre.

Alors Grand Petit Père , en prenant tout son temps, s’assied sur le banc de pierre qui se trouve devant sa maison. Il prend une longue respiration, et tandis que son visage devient très sérieux, il commence à raconter :
- Voyez-vous, les enfants, je suis parti très tôt pour ce matin, alors que les premiers oiseaux n’avaient pas encore commencé à chanter. Il faisait nuit noire, et vous dormiez tous très profondément. J’avais pris le chemin qui descend vers la source au fond de la forêt, car à cette époque, la fraîcheur de cet endroit fait qu’il y pousse un grand nombre de champignons.

Je marchais depuis déjà bien longtemps lorsque j’ai entendu des bruits et des cris. Cela m’a fort surpris car, comme vous le savez tous, personne ne va jamais la nuit dans cette forêt.

J’ai donc continué mon chemin dans la direction d’où venaient ces bruits. Et puis, soudain, alors que les bruits que j’entendais étaient de plus en plus fort, j’ai aperçu un grand feu’’.

À mon tour, j’ai crié : -‘‘‘‘ n’ayez pas peur, j’arrive et je vais vous aider.’’

Seulement, mes pauvres enfants, si j’avais su - je n’aurais pas parlé si fort. ’‘

Et Grand Petit Père s’arrête de raconter, comme si ce qu’il avait et vu dans la forêt l’avait privé de parole à tout jamais. Mais les enfants ont l’habitude, ils savent bien que Grand Petit Père aime se faire prier, et qu’il va leur falloir encore une fois le presser. Ils recommencent donc à taper dans leurs mains et à crier : ‘‘continue, continue de raconter !’’

‘‘Les enfants’’, dit Grand Petit Père , ‘‘je ne sais pas si je dois raconter ce que j’ai vu, car c’était tellement effrayant que vous pourriez rêver et faire des cauchemars pendant de très nombreuses nuits lorsque je vous aurai parlé de tout cela. Mais vous insistez tellement’’.

En effet, je n’étais pas arrivé à l’endroit d’un grand feu, mais je venais de surprendre de biens vilains personnages avec lesquels je me trouvais en mauvaise compagnie : Il y avait là, autour d’un chaudron, deux des plus méchants sorciers de la forêt.

Vous serez aussi fort surpris de savoir que contrairement à l’habitude, le chaudron n’était pas au-dessus d’un feu, mais que c’était un chaudron plein de flammes. Je vais vous dire pourquoi les flammes étaient dans le chaudron : les deux sorciers étaient en train de brûler de magnifiques livres d’histoires pour enfants en ricanant fort et en poussant de méchants cris.

Mais je n’ai pas eu le temps de bien regarder, car dès qu’ils m’ont aperçu, ils ont voulu se débarrasser de moi.

Je ne voudrais pas trop vous faire peur, aussi je vais éviter de vous dire combien l’apparence de ces sorciers m’a été effrayante. Pour autant, vous devez savoir que le premier sorcier avait l’allure d’un énorme crapaud tandis que le second ressemblait à un très vieux loup.

C’est le premier sorcier, qui devait d’ailleurs être une sorcière, qui a commencé à m’attaquer en premier. Elle s’est tourné vers moi, et j’ai pu voir les énormes boutons qu’elle avait sur son nez, ses yeux rouges et ses cheveux verts qui faisaient des étincelles tout autour de sa tête. C’est d’ailleurs l’une de ces étincelles qu’elle jeta vers moi de toutes ses forces.

Vous savez, mes enfants, vous vous moquez souvent de moi, si - si je le sais, car je marche plus très vite. Et bien là, vous ne m’auriez pas reconnu : J’ai fait en un instant au moins dix pas en arrière et un saut de deux mètres en hauteur pour ne pas être grillé sur place.

Le pire de tout ça, c'est que mes deux pieds n'étaient pas encore revenus sur terre qu'elle m'avait envoyé une nouvelle étincelle de feu. Vous savez combien je suis prévoyant, et lorsque que cette étincelle est arrivée sur moi, j'avais déjà sorti mon petit miroir à oiseaux, ce qui m'a permis de le mettre juste en face de l’étincelle et retourner ainsi à la sorcière crapaud le petit cadeau qu'elle m'avait destiné.

Cette étincelle que j'avais retournée avec l'aide de mon petit miroir rond, a commencé à tourner trois fois autour d'elle avant d'aller lui griller les fesses. ’’

Les enfants poussent tous ensemble un énorme éclat de rire.
- ‘‘ Dis donc Grand Petit Père , elle a dû avoir bien mal et courir bien vite cette sacrée sorcière ! ’’
- ‘‘ Oh ça oui mes enfants, vous pouvez le dire, et je suis sûr qu'elle court encore!

Mais je n'avais réglé là qu'une partie de mes problèmes, parce qu'il restait encore le sorcier loup. Et celui-ci je vous le dis, me faisait beaucoup plus peur que la sorcière crapaud. En effet, il mesurait au moins deux mètres de haut si ce n'est plus. ’’
- ‘‘ Comment as-tu fait pourtant débarrasser ? ’’
- ‘‘ Vous savez, ça n'a pas été si facile qu'avec la sorcière, parce que celui-là, c'était un gros malin. Mais j’avais senti que ce sorcier était surtout un gros orgueilleux, et j’avais bien ma petite idée pour le provoquer.

La première chose qu’il m'a dite, c'est qu'il savait déjà tout ce que je pourrais faire pour l'empêcher de m'attraper. Je lui ai répondu : oh! je sais bien, grand sorcier loup, si je ne me sauve en courant, tu courras toujours bien plus vite que moi... Il y a une chose que tu ne pourras pas faire : tu ne sauras jamais sauter aussi haut que moi.

J'avais piqué son orgueil au vif et il me répondit en ricanant : - ‘‘oui crois-tu, mais un petit saut de 2 mètres comme celui que tu as fait tout à l'heure ne te sauvera pas, car je sauterai beaucoup plus haut que toi’’.
- ‘‘Tu te trompes, grand sorcier loup, tout à l'heure j'ai fait un petit saut pour une petite sorcière, mais je peux sauter beaucoup plus haut que ça, et surtout sauter beaucoup plus haut que toi’’.
- ‘‘Çà, ce n'est pas possible, d’ailleurs je peux te le montrer tout de suite’’. Et alors le sorcier loup a fait un bond d’au moins 5 mètres. Quand il est descendu, il m'a dit : ‘’tu ne pourras jamais sauter si haut’’.
- ‘‘Mais si, mais si, j’ai répondu, car la dernière fois que je suis venu ici j'ai sauté pour cueillir le gland à la cime de ce grand chêne.’’

Alors le sorcier loup a fait un deuxième bond, il est passé au-dessus de l'arbre. Je n'attendais que ça. Pendant ce temps, j'avais déplacé le chaudron et je l'avais poussé juste à l'endroit où le sorcier loup aller retomber. Il était encore bien au-dessus du sol que ses pattes ont commencé à griller ainsi que sa queue. Il a touché le fond de chaudron, ça j'en suis sûr, mais je n'ai même pas eu le temps de le voir, parce que tout aussitôt il a fait un saut… un saut d'une taille incroyable, car je ne voyais plus que le panache de fumée qu'il traînait derrière lui.

Je suis certain qu'il a dû arriver jusque la lune’’. D’ailleurs ce soir je vous montrerai, je crois bien que la lune a un troisième œil depuis que le loup a fait un gros trou juste en plein milieu de ses deux yeux que vous avez l’habitude d’y voir.

Les enfants sont émerveillés par le courage et l’astuce de Grand Petit Père.

Mais tout à coup, la voix du plus petit s’élève comme un son de flûte : - ‘’Mais dis moi Grand Petit Père, tu n’as pas ramené le Chaudron de Feu ?’’
- ‘‘ Mais oui, c’est vrai’’ disent en chœur tous les enfants, et la plus sage d’entre eux – une grande fille de déjà 6 ans et demi, d’ajouter – ‘‘ il reste peut être des livres dedans qui n’ont pas brûlé ? Si nous allions le chercher !’’



Second Chapitre :

A la recherche du Chaudron



Aussi vite dit, aussi vite fait. Notre fine équipe se met en route. Devant, fort vaillant, enfin disons faisant comme si, marche le plus petit : Matéo. Pour lui faire voir qu’il est très fort et très courageux, il a hérité d’un nom de guerre pour la circonstance. Grand Petit Père lui a proposé de l’appeler Matéogre.

‘‘Matéogre, Matéogrrrrrrre plutôt’’ - dit-il aussitôt en riant et en croquant à pleines dents dans une grosse pomme qu’il avait gardé dans sa poche, car c’était vrai, il avait toujours faim.

Le reste de la petite bande se décide aussi pour prendre un surnom. Le plus grand qui s’appelle Olivier prend pour surnom Olivielf. ‘‘C’est parce que les elfs ont plein de pouvoirs dans la forêt’’ dit-il, mais on peut se demander quelque part si ce n’est pas surtout parce que les elfs ont la faculté de se rendre invisibles dans les bois… Ca peut en effet être utile pour ne pas être vu par les sorcières crapaud.

Tout de suite sa sœur Camille opte pour Camillelf. ‘‘Et bien oui’’, dit-elle. ‘‘Si jamais tu disparaissais, il faudrait bien quelqu’un pour te retrouver’’.

Décidément dit Grand Petit Père avec un clin d’œil narquois à la toute petite qui suit derrière à grandes enjambées pour rester au contact de la vaillante équipée, si je n’avais pas Matéogre à côté de moi pour me défendre, je me demande bien si je retournerai là-bas.

Celle-ci répond alors, ‘‘et bien moi ze t’aiderai aussi, et comme ze m’appelle Emilie, ze serai maintenant Mililafée, et z’aurai tous les pouvoirs de toutes les grandes fées, et les sorciers n’auront qu’à bien se tenir s’ils pointent leur vilain nez sous ma baguette’’. A ce moment elle a une hésitation et semble chercher quelque chose.
‘‘Tu as oublié quelque chose’’ ? lui demande Grand Petit Père.
- ‘‘Euh non, enfin si, ze n’ai pas de baguette… Il m’en faut une absolument !’’

Grand Petit Père qui a toujours une solution sort son canif, et choisissant avec elle une très belle brindille de coudrier, il la lui coupe à la bonne longueur. En plus, c’est déjà une baguette magique, parce que le coudrier est l’arbre à baguettes magiques.

‘‘Comment ça ! Vous ne le saviez pas ? Mais pourtant c’est le seul arbre de cette forêt qui fait de jolies branches toutes droites, très flexibles et très solides, que les petits nains viennent couper chaque été pour faire les baguettes magiques pour les fées.’’

Mililafée est tout de suite convaincue, mais veut tout de même vérifier l’efficacité de sa baguette à elle. Camillerf reçoit rapidement trois coups de baguette sur la tête qui la font se sauver à grandes enjambées. Tout le monde éclate de rire quand Grand Petit Père annonce : ‘‘Elle marche ta baguette ! Vois-tu, elle fait disparaître les elfs hahaha’’.

Et cahin caha, de coups de baguette en éclats de rire, la petite équipe parvient aux abords d’une grande clairière.

Grand Petit Père fait arrêter et taire tout son petit monde. Il regarde précautionneusement s’il n’y a personne aux environs, demande aux enfants de rester tapis derrière un buisson, et progresse seul par petits bonds. Puis il s’arrête, se redresse et appelle : ‘‘Venez, le chaudron est ici’’.

C’est alors la ruée vers le chaudron.

Et la déception…

Le chaudron est vide, désespérément vide. A l’intérieur il est rempli de cendres, tous les livres ont brûlé, tous sans exception.

Tout le monde s’assied sur un tronc d’arbre coupé, un grand silence s’installe. Personne n’a plus envie de rire, plus envie de parler.

Même les oiseaux qui eux aussi avaient compris le grand malheur qui frappait les enfants font le silence le plus total.

Cela dure quelques minutes interminables, chacun pense qu’il allait falloir reprendre le chemin de retour dans la tristesse…

Mililafée a un geste de dépit. Elle frappe le chaudron d’un coup de sa baguette en pensant ‘‘c’est pas zuste, moi z’aime les histoires et ze voulais des histoires’’ !

Et alors…
Tout à coup…
Le chaudron se met à vibrer sous le coup de baguette,

La vibration s’amplifie de plus en plus, Et le chaudron se met à chanter !!!

Non pas à chanter, mais à parler !

Ecoutez il parle !!!

Et oui, la magie est là, le chaudron parle, mais il ne parle pas pour ne rien dire, il raconte des histoires, OUI, des HISTOIRES ! Des contes pour les enfants.

Depuis ce jour là, le chaudron est devant la maison de Grand Petit Père, juste à côté du banc de pierre, à l’endroit même où on l’a rapporté. Tous les soirs les enfants viennent écouter une nouvelle histoire, il prennent la baguette de Mililafée chacun à leur tour pour frapper une seule fois sur le bord du chaudron qui se met à vibrer, vibrer de plus en plus fort, puis à parler et raconter.

Il a aussi expliqué que s’il pouvait raconter des histoires, c’est parce qu’il avait appris celles qui étaient dans les livres que les sorciers avaient brûlé, mais il répète aussi à qui veut l’entendre, qu’à chaque fois qu’on lui confie une histoire, il la multiplie par 2, par 3 par cent !

Alors, vous l’avez compris, si vous voulez lire et entendre de nouvelles histoires, il faut aussi à votre tour, en raconter une au chaudron.


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Les Histoires de Grand-Petit-Père - © JehandesFleurs 2005